Une création originale
Le projet est né de la rencontre avec mes comédiens, c’est une pièce que j’ai écrite en fonction d’eux, de leurs particularités, de leurs fragilités et de leurs envies.
Au cours de séances d’atelier, nous avions plaisanté sur l’aquariophilie, de là a émergé le personnage principal de l’histoire : Miss Fff. Pourquoi ce nom ? Mmm, et pourquoi pas ? Il y avait un côté comique dans la prononciation de ce nom.
Pendant plusieurs semaines en amont, nous avions travaillé sur des personnalités nées en 1920, la période des années 30 s’est donc naturellement imposée comme écrin pour ce nouveau projet.
Une comédie engagée

Mais quel message ? Quel objectif pour cette pièce ? Ecrire du comique pour écrire du comique je ne sais pas faire, il me faut un objectif qui aille au-delà du « simple » divertissement. C’est là encore dans les séances de travail que j’ai puisé mon inspiration. Nous avions notamment beaucoup parlé de Benoîte Groult, née en 1920, et qui revendiquait un certain féminisme. Dans le même temps, notre société était secouée de scandales sexuels révélés les uns après les autres et qui faisaient tomber des têtes.
Aussi, en réaction, la pièce s’est entourée d’une dimension à portée féministe et tout doucement son cadre s’est précisé :
Un commissariat avec deux flics volontaires, Jo et Gé, mais pas très efficaces et surtout diablement misogynes, non qu’ils soient foncièrement habités d’un mauvais fond mais tout simplement parce qu’ils sont le fruit de leur époque, de leur environnement, officiellement plus misogyne qu’aujourd’hui. Les femmes commençaient tout juste leur émancipation et entraient dans les bureaux par la petite porte, celle de dactylo.
Ainsi, voici Gigi. Derrière ce personnage qui peut paraître au premier abord effacé dans son fauteuil roulant, se cache une femme perspicace, c’est elle qui a toujours la bonne analyse, la réflexion qui va faire avancer l’affaire. Au fur et à mesure, ce personnage s’épaissit jusqu’à s’autonomiser et prendre l’ascendant sur les deux hommes.
Ceux-ci doivent également faire face à une femme de caractère : Madame, propriétaire de l’aquarium. C’est d’abord en femme aimant le pouvoir qu’elle nous apparaît car, à l’époque, une femme libre faisait peur et était très vite enfermée dans la catégorie des intrigantes calculatrices et vénales, mais elle se révèle surtout une femme droite qui entend bien suivre l’affaire et c’est elle qui mettra un terme au manège des deux agents.
La place de la Femme
Les hommes sont volontairement durs même méprisants avec leur collègue féminine et le commissaire ose même déclarer qu’ « en toute femme sommeille une femme vénale », affirmation qui n’est pas contredite par Madame.
L’ancrage dans les années 30 a un double-objectif : donner un référentiel clair comme socle à l’histoire pour que le public puisse se positionner et offrir un objet de comparaison propice à initier des réflexions. En effet, il est question de refléter une certaine réalité de cette époque pour mieux interroger la nôtre. Aujourd’hui, quelle est la place de la femme en entreprise ? Nombre de choses de cette époque nous paraissent aujourd’hui inacceptables, mais que continuons-nous à accepter alors qu’il s’agit au fond d’idées sexistes préconçues ?
Théâtre et Handicap

La présence du fauteuil roulant, absolument nécessaire pour l’une des comédiennes et accessoire de jeu pour une autre, nous rappelle que le handicap est là. Être en fauteuil était complexe à l’époque, ça le reste encore aujourd’hui. Au-delà de la question de l’accessibilité qui reste épineuse, nous souhaitons soulever la question du droit à la pratique culturelle comme tout un chacun. Il existe beaucoup d’ateliers dédiés dans lesquels la démarche thérapeutique prime (et ils sont nécessaires) mais les offres sont plus réduites pour ceux qui veulent tout simplement pratiquer une activité artistique pour le plaisir de créer et de partager avec un public. Dans ce domaine, le théâtre en particulier est à la traîne, les rôles ne sont pas toujours appropriés et les lieux bien qu’adaptés pour recevoir du public à mobilité réduite ne peuvent pas toujours accueillir des artistes à mobilité réduite.
Handicap et Emploi
En 1931, Gigi s’estime déjà chanceuse d’avoir un emploi et doit se résoudre à son emploi de dactylographe. Qu’en serait-il aujourd’hui ? Quelle place les entreprises offrent-elles aux personnes en situation de handicap ? Voici quelques-unes des questions insinuées par la pièce.
Susciter des questionnements
Afin de pousser la réflexion, nos représentations seront suivies de débats ou tables rondes avec des spécialistes s’interrogeant sur la place de la femme dans notre société ou celle de l’accès des personnes en situation de handicap à l’emploi ou à la pratique artistique. Attention il ne s’agit pas de monter les femmes contre les hommes et inversement ou de se vouloir donneurs de leçons mais de nous amener à réfléchir ensemble par le prisme de la comédie.
Comédie oui car c’est aussi et surtout une comédie, une comédie haute en couleur, parfois burlesque, empruntant tant à l’univers de la Panthère rose qu’à celui du Commissaire Labavure ou de OSS 117, et dans laquelle les comédiens brisent volontiers le quatrième mur pour inviter le public à être également acteur de la pièce.